Projet INforMHAA: évaluations de la santé mentale menées en vertu de la loi sur la santé mentale par l’intermédiaire d’interprètes

Rapport d’activités – Jemina Napier

Ce v/blogpost est en disponible en BSL, anglais, espagnol, français et hindi

BSL: https://youtu.be/Q4bjGhdApfw

Dans cet article, l’équipe INforMHAA vous fournit une mise à jour des progrès accomplis jusqu’à présent.

Notre premier post a présenté une vue d’ensemble du projet : les objectifs, les phases principales du cycle de vie du projet, et l’intervention du comité consultatif et du groupe de participation des patient·es et du public.

La principale question de recherche du projet est :

Quel est l’impact de l’interprétariat sur les évaluations aux termes de la Loi de 1983 (Angleterre/Pays de Galles) sur la santé mentale, et comment ces évaluations peuvent-elles être améliorées ?

Questions complémentaires :

Dans quelle mesure et comment la participation d’un·e interprète de langue des signes / de langue parlée dans les évaluations MHA (c’est à dire les évaluations aux termes de la Loi de 1983 (Angleterre/Pays de Galles) sur la santé mentale) limite ou facilite-t-elle les bonnes pratiques des professionnel·les agréés de la santé mentale (Approved Mental Health Professionals ou AMHP) ?

Dans quelles situations, lors d’une évaluation MHA, serait-il plus approprié d’employer des services adéquates du point de vue linguistique (par exemple les professionnel·les qui parlent plus d’une langue ou un·e conseiller·ère culturel) au lieu d’un·e interprète et comment ?

Qu’est-ce qui fait l’efficacité d’un modèle de formation pour les AMHP et les interprètes ?

Que savions-nous au début du projet ?

  • Il n’est fait aucune mention des services linguistiques pouvant être nécessaire à ces évaluations, bien qu’il existe une inégalité entre groupes ethniques et de patrimoine culturel différent en matière de résultats.
  • La Commission relative à la qualité des soins (Care Quality Commission (CQC) en anglais) et NHS Digital ne publient pas d’informations sur la langue de ceux et celles qui font l’objet d’une évaluation, ni sur le recours à un·e interprète lors des évaluations.
  • L’absence de référence à l’interprétariat dans les évaluations MHA dans le cadre des documents portant sur la réforme de la loi sur la santé mentale.
  • Le code de bonnes pratiques qui s’adresse aux AMHP prévoit que les évaluations soient effectuées “de manière appropriée” et fait mention des interprètes et conseiller·ères culturels.
  • L’Angleterre et le Pays de Galles sont des pays à la diversité linguistique élevée.
  • Il n’existe pas d’évaluation globale des preuves relatives aux évaluations MHA médiatisées par les interprètes ni de leurs équivalents internationaux.
  • Il n’existe pas de guide de bonnes pratiques publié pour les AMHP, les interprètes ou les médecins “Section 12” (il s’agit des médecins spécialisés qui ont la capacité de formuler des recommandations quant aux hospitalisations sous contrainte et en conformité avec la Loi de 1983 (Angleterre/Pays de Galles) sur la santé mentale).
  • On ignore l’impact sur les utilisateurs et utilisatrices des services et sur leurs soignant·es d’une évaluation (aux termes de la Loi de 1983 (Angleterre/Pays de Galles) sur la santé mentale) médiatisée par un·e interprète.
  • La langue de l’évaluation et le recours à un·e interprète ne figurent pas dans l’ensemble minimal de données du rapport annuel (rédigé par NHS digital) sur les évaluations MHA, ni dans les normes publiées par la CQC. 

Ce deuxième post fournit une mise à jour sur ce que nous avons accompli jusqu’à présent afin d’explorer les connaissances supplémentaires dont nous pourrions avoir besoin et les moyens possibles pour garantir l’utilisation des bonnes pratiques dans les évaluations MHA médiatisées par un·e interprète.

Jusqu’à présent :

  • Nous avons publié le protocole à suivre pour une évaluation assistée par Covidence de la portée des travaux empiriques pertinents et de la littérature grise sur l’interprétariat dans les évaluations MHA. Nous avons identifié 40 études qui formeront la base de l’évaluation complète. Aucune d’entre elles n’est en rapport direct avec les questions de notre étude.
  • Nous avons mené des enquêtes auprès de 132 AHMP et 24 interprètes sur leurs expériences de travail dans les évaluations MHA. La majorité des interprètes qui ont répondu étaient des interprètes de langue des signes britannique, nous prévoyons donc d’ouvrir à nouveau l’enquête aux interprètes pour essayer d’obtenir plus de réponses des interprètes de langue parlée.
  • Nous avons réalisé des entretiens de suivi avec 17 AMHP et 6 interprètes (+ 4 en attente) qui ont répondu à l’enquête et qui ont accepté d’être interviewés afin que nous puissions approfondir notre étude de leurs expériences et trouver des exemples de points critiques de prise de décision et de pratique professionnelle coopérative pour les AMHP et les interprètes.

Que savons-nous maintenant?

  • Aucune littérature n’aborde spécifiquement l’interprétariat et l’évaluation de santé mentale par rapport au “moment même” de l’évaluation MHA, ni les exigences des AMHP ou des interprètes pour répondre à ces situations. 
  • Les évaluations MHA médiatisées par un·e interprète, bien que peu fréquentes, sont une constante. Sur les 132 AMHPs de l’enquête, la plupart effectuent en moyenne 5 évaluations médiatisées par un·e interprète par an.
  • Il existe un manque de cohérence dans les formulaires de rapport de l’AMHP concernant l’inclusion d’une question sur la langue utilisée lors des évaluations et le format de cette question.
  • Interrogé·es sur le fait de savoir s’ils ou elles enregistrent le recours à un·e interprète, 100 sur 115 AMHPs ont répondu “parfois” et un peu plus de 50% disent enregistrer la combinaison linguistique de l’interprète.
  • S’il semblait y avoir un “problème”, les AMHP le notaient systématiquement.
  • Seulement 9 sur 121 des AMHP peuvent se rappeler d’une formation au travail avec un·e interprète dans le cadre de leur formation initiale.
  • Depuis l’obtention de leur diplôme d’AMHP, seulement 28% ont participé à une formation au travail avec un·e interprète.
  • Près de 60% ont déclaré que leur formation ne les avait pas préparé·es de manière adéquate à travailler avec des interprètes, que ce soit en tant qu’AMHP ou dans tout autre rôle/contexte.
  • En raison des difficultés occasionnelles de production linguistique de la personne évaluée, les interprètes doivent parfois faire certains ajustements à leur pratique habituelle, par exemple, en adoptant une approche méta-descriptive de leurs interprétations « lorsque le langage n’a pas de sens » au lieu de mettre de l’ordre dans le langage. Ceci nécessite une confiance absolue de la part de l’AMHP envers l’interprète.
  • Les interprètes ont besoin de soutien et d’une supervision afin que le caractère délicat de ces rencontres n’ait pas d’impact négatif sur leur bien-être personnel et les performances professionnelles qui s’en suivent.
  • La compréhension au sens plus large par les interprètes de l’aspect législatif des évaluations MHA, et non pas seulement de ses aspects linguistiques, est un facteur de réussite évident pour assurer une communication de bonne qualité entre les interlocuteurs. Les concepts comme “Section 12” (la qualification autorisant légalement un médecin à admettre un ou une patient·e sans son consentement), “nearest relative” (personne chargée de la protection d’une personne majeur) ou “objection” (objection à ce qu’une personne soit admise ou placée sous tutelle) ont une forte composante juridique qui diffère de la signification linguistique générale, ce qui souligne l’importance de la formation spécialisée.
  • L’importance de prendre en compte “la dynamique interprofessionnelle” dans ce contexte.

Quelques questions clés mise en évidence par notre investigation jusqu’à présent :

  • Les AMHP et les interprètes ne se sont probablement pas déjà rencontré·es au moment de commencer une évaluation MHA.
  • Les AMHP n’ont que peu ou pas d’accès à la langue de l’utilisateur·trice du service et de l’évaluation, ce qui affecte leur capacité à recueillir les informations holistiques sur l’état mental et le niveau de compréhension de la personne évaluée.
  • Les AMHP n’ont généralement aucune idée de l’expérience de l’interprète en matière d’évaluations MHA et il est difficile d’en faire une exigence lors de la réservation des services d l’interprète.
  • La plupart des interprètes n’ont jamais pris part à une évaluation MHA. Certain·es ont des préjugés concernant la nature oppressive des travailleurs sociaux et des évaluations MHA qui peuvent affecter leur performance au cours de l’évaluation.
  • Il est fortement improbable que les interprètes et AMHP aient déjà jamais participé à une formation les amenant à travailler ensemble dans un contexte professionnel ou plus particulièrement dans le cadre d’une évaluation MHA.
  • Les AMHP et les interprètes dépendent les un·es des autres pour garantir la mise en œuvre des bonnes pratiques et le respect des pratiques juridiques.

Qu’avons-nous fait d’autre?

  • Nous avons tenu des réunions trimestrielles avec notre groupe consultatif, qui a participé à la conception de la recherche et à la collecte des données à toutes les étapes, et qui a joué un rôle essentiel dans la conception des instruments d’enquête, des scénarios de simulation, et du recrutement des participant·es. Nous avons le regret d’annoncer le décès inattendu de l’un des membres de notre groupe consultatif, Martin Stevens, qui a été chargé de recherche principal pour l’unité de recherche sur les politiques de NIHR (l’Institut national pour la recherche médicale). Nous tenons à présenter nos condoléances à sa famille et à ses collègues, et à reconnaître sa précieuse contribution durant sa participation au projet INforMHAA.
  • Notre groupe PPIE a commencé sa formation, qui est disponible via des modules bilingues (en langue des signes britannique et en anglais) d’autoapprentissage en ligne. Jusqu’à présent il a complété trois des six séances prévues : la session 1 portait sur l’équipe d’INforMHAA, la compréhension du travail du groupe, la diversité et l’inclusion ; la session 2 portait sur “qu’est-ce que le PPIE ?”, comprendre le PPIE, se familiariser avec son fonctionnement dans la recherche, connaître les normes PPIE et savoir comment s’impliquer dans le PPIE NIHR. La session 3 portait sur “qu’est-ce que la recherche ?”, pourquoi faisons-nous de la recherche, les approches qualitatives, quantitatives et mixtes, et les méthodes de collecte de données. La session 4 portera sur l’éthique et le consentement.
  • Nous avons terminé le tournage des scénarios simulés d’évaluation MHA médiatisés par un·e interprète. Nous avons créé quatre scénarios basés d’une part sur les rapports des AMHP et des interprètes, obtenus au cours d’enquêtes et d’entretiens, sur les problèmes typiques qu’ils ont rencontrés lors des évaluations MHA, et d’autre part sur les échanges avec le groupe consultatif. Les scénarios présentaient quatre combinaisons linguistiques différentes : kurde, néerlandais, hindi et langue des signes britannique. Nous avons terminé le tournage en Mars 2022 avec le soutien du groupe de théâtre TIPP de l’Université de Manchester.

Quelles sont les étapes suivantes ?

  • Nous sommes en train d’éditer les vidéos pour la prochaine phase du projet pendant laquelle nous allons (1) analyser les points critiques dans les interactions par le biais du logiciel d’annotation GoReact et (2) mettre en place des sessions d’observation des scénarios simulés pour les AMHP et les interprètes – où on leur demandera d’observer les scénarios simulés en ligne en utilisant la fonction multilingue d’interprétation en webinaire Zoom ainsi que la fonction sondage dans le logiciel Mentimeter pour discuter de ce qu’ils et elles identifient comme étant les bonnes pratiques et les enjeux, et comment améliorer l’évaluation MHA médiatisée par un·e interprète.
  • Nous travaillons à la rédaction d’articles portant sur l’analyse des données de l’enquête et des entretiens. Nous avons aussi l’intention de rédiger un article sur les méthodologies innovatrices que nous avons utilisées dans ce projet.
  • Toutes les données serviront de base aux divers résultats du projet, qui incluent la co-production de nouvelles ressources de formation et de lignes directrices aux bonnes pratiques, des informations pour les AMHP et les interprètes, et un nouveau modèle de la théorie de changement pour les évaluations MHA médiatisées par un·e interprète.